Jour 11 – 28 juillet 2010 – Etape 5

La première partie de l’étape se passe tranquillement sur une mer d’huile jusque la Engelskbukta, une petite baie que nous devons traverser. Durant ces premières heures de kayak, une brume assez dense enveloppe les montagnes, de sorte que depuis la mer, nous voyons juste la plage et les premiers mètres de toundra…. paysage irréel et hostile.

Peu à peu, la brume se lève et nous laisse découvrir la chaîne montagneuse et les glaciers du Prins Karls Forland (l’île qui longe la côté ouest du Spitzberg juste au sud de la baie du Roi). Malheureusement, le vent se lève aussi, et évidemment les vagues se forment. Elles nous arrivent dessus par l’arrière droit et nous poussent. De fait, pendant un moment, nous avançons à bonne allure vers notre objectif, la pointe de Sarstangen (qui est parfois occupée par une colonie de morses).

Le vent continue cependant de monter, et les vagues de se creuser. Certaines nous déportent latéralement sur plusieurs mètres et nous obligent à maintenir une bonne distance entre nos kayaks. Je ne suis vraiment pas rassurée et je n’attends qu’une chose : que Pierre nous dise d’accoster. Nous avons 2 possibilités de franchir la pointe de Sarstangen : passer par le cap, ou arrêter avant et franchir la lagune qui occupe la base de la pointe. Pour moi le choix est clair : je n’ai pas du tout envie de tenter le passage du cap dans ces conditions ! Finalement, Pierre opte pour la seconde solution.

Les conditions sont (encore) plus délicates que la veille, car les vagues déferlent fortement sur la plage. Jean-Christophe et Jacques accostent sans encombre en premier. Nous sommes juste derrière et nous nous préparons à notre tour quand nous entendons crier derrière nous : le kayak d’Olivier et Jean-Pierre vient de se retourner ! Ils se sont pris 3 grosses vagues de suite alors qu’ils étaient quasiment à l’arrêt et n’ont pas pu maîtriser leur bateau.

D’où nous sommes, nous ne pouvons rien faire pour les aider, et dans la précipitation nous décidons d’accoster immédiatement. Grosse erreur, car personne n’est prêt à nous réceptionner sur la plage (Jean-Christophe et Jacques sont occupés à récupérer Olivier et Jean-Pierre), et nous ne pensons pas à attendre des vagues moins hautes. Résultat, alors que nous sommes sur le point de toucher la plage, une première vague nous met en travers, et la suivante nous renverse ! Nous parvenons tant bien que mal à nous sortir de là et Arnaud parvient à hisser le bateau (rempli de sable et d’eau) à l’abri des vagues. Ouf, pas de bobo, mais une grosse frayeur pour moi, et, sur le coup, plus du tout envie de remonter dans un kayak.

Olivier et Jean-Pierre sont également parvenus à terre sans dommage… ou presque pour Olivier, car ayant oublié de bien fermer la braguette de sa combinaison, l’eau est entrée et il est complètement trempé. Le gouvernail du kayak s’est cassé en touchant la berge, mais nous avons le matériel pour réparer.

Les autres kayaks arrivent sans problèmes et nous pouvons enfin passer des vêtements secs. Nous resterons là cette « nuit » (il est 7h30 du matin), le temps de reprendre nos esprits. En attendant, la première chose à faire est d’aller chercher de l’eau. Nous remontons donc la plage vers les montagnes sur quelques centaines de mètres quand Jean-Christophe repère une tâche blanche dans le paysage. Bien sûr, pour une fois, nous n’avons pas les jumelles, donc impossible de vérifier la nature de cette tâche. Mais il n’y a pas de rochers blancs autour de nous, c’est trop gros et trop clair pour être un renne, et trop loin du rivage pour être un déchet quelconque… donc hypothèse plausible : un ours endormi ! Nous prenons l’eau rapidement et repartons vers les kayaks par un chemin détourné et en marchant dans l’eau (afin que la « tâche », si elle se réveille, ne suive pas notre odeur jusqu’au camp). Je ne peux pas m’empêcher de me retourner toutes les 30 secondes pour vérifier… mais la « tâche » ne bouge pas.

Nous montons le camp, prenons un repas bien chaud et nous nous couchons vers midi. La consigne du jour pour les tours de garde : surveiller la « tâche » ! Et si elle bouge, on réveille Pierre tout de suite.

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Jours 9/10 – 26/27 juillet 2010 – Etape 4

Au réveil, le temps est toujours un peu « limite », et Pierre décide d’attendre encore avant de repartir.

La journée passe lentement : on lit, on discute, on mange, on dort… et on attend. A la mi-journée, tout le groupe part rechercher de l’eau à la rivière située derrière le camp (sécurité oblige vis-à-vis des ours : quand on se déplace, c’est en groupe !). La rivière est bordée de zones humides, où un couple de Labbes parasites nous attend de pied ferme. Leur nid doit être dans les parages, et nous ne sommes pas du tout les bienvenus. Ils nous attaquent, bec en avant. Ce ne sont pas vraiment de petits oiseaux (ils peuvent atteindre 115 cm d’envergure), et leurs coups de bec peuvent être assez désagréables ! L’un deux finit par s’attaquer à Pierre… et repart avec son bonnet péruvien dans le bec ! Et bien sûr, pour une fois personne n’a d’appareil photo sous la main pour immortaliser le vol … Heureusement il le lâche avant d’atteindre la mer et on peut le récupérer.

Nous revenons au camp et, le vent étant tombé, nous commençons le démontage du camp vers 20h. Il est 21h45 lorsque nous montons dans nos kayaks, très contents d’enfin pouvoir reprendre la mer après 48h de pause. Tout est calme, nous avançons à bonne vitesse et atteignons le cap marquant la sortie de la baie du Roi sous une magnifique lumière vers minuit.

Malheureusement, sitôt le cap passé, les conditions changent complètement, le vent du sud se lève (nous le prenons donc en pleine face) et la mer s’agite de plus en plus. L’avancée devient peu à peu très difficile, on a l’impression de faire du sur place en étant secoué en permanence par les vagues. Pierre nous avait prévenu que ce genre de conditions pouvaient se rencontrer pendant le voyage, et qu’elles nous feraient détester le kayak. Et bien effectivement, c’est le cas ! Je suis frigorifiée, trempée (chaque fois que notre kayak retombe derrière une vague des gerbes d’eau jaillissent de chaque côté et me tombent dessus), et complètement démoralisée. Pour une première expérience en kayak de mer, c’est beaucoup, et même en sachant que les kayaks sont très stables, toutes ces vagues me stressent.

Après 4h de galère (qui nous paraissent une éternité), Pierre décide de nous faire accoster sur une plage où nous pourrons monter le camp. Ce n’est pas le lieu initialement prévu, mais avec ce vent on ne peut pas aller plus loin. Les difficultés ne sont pas finies pour autant : dans ces conditions l’accostage est délicat car les vagues risquent de renverser les kayaks en déferlant sur la plage. Pierre nous demande d’accoster en premier et d’aider ensuite les autres et nous donne les consignes pour que tout se passe bien : se mettre dos au vagues, enlever les manchons, les jupes, garder la bonne vitesse (ni trop vite, ni trop lentement)… et surtout ne pas paniquer ! Peut être est-ce la chance du débutant, mais nous accostons sans aucun problème. Ouf… J’enfile des vêtements secs pendant qu’Arnaud aide les autres à débarquer.

Il est 4h du matin (le 27 juillet). Bien fatigués, nous déchargeons les bateaux et montons le camp. Pas facile de dresser la tente mess en plein vent ! Heureusement il y a une rivière juste à côté, pas besoin d’aller chercher l’eau trop loin. Nous avalons une bonne assiette de pâtes et nous nous couchons vers 8h du matin.

Nous sommes maintenant décalés d’environ 9h par rapport à l’heure officielle, et nous nous réveillons en début de soirée. Un petit déjeuner à 21h, étrange ! Le vent s’est rapidement calmé et nous pouvons repartir immédiatement. Je trouve l’environnement du campement est assez lugubre et je ne suis pas mécontente de quitter cet endroit. Le temps de tout démonter et ranger, nous prenons la mer vers 1h du matin.

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Jour 8 – 25 juillet 2010 – Pas d’étape

Nous constatons au réveil que le temps a bien changé : le vent souffle, il pleut, et la mer est trop agitée pour pouvoir repartir, d’autant que la prochaine étape comporte le passage du cap de la Broggerhalvøya, à la sortie de la baie du Roi (et en pleine mer, ou presque).

Nous partons donc après le petit déjeuner faire une promenade dans les environs, en attendant une accalmie. C’est l’occasion pour moi d’observer enfin d’un peu plus près la flore de la toundra et de prendre le maximum de photos des espèces caractéristiques et des lichens. Le sol est par endroit complètement gorgé d’eau : le sous-sol reste en effet gelé en permanence (c’est le permafrost), seuls les premiers mètres dégèlent et l’eau ne peut donc pas s’infiltrer. Pierre nous explique un phénomène particulier des régions arctiques : les sols polygonaux. Un sol polygonal se présente comme un dallage, une succession de polygones plus ou moins réguliers et dont les dimensions peuvent varier de quelques centimètres à plusieurs mètres. Le centre des polygones est limoneux et les côtés sont formés de pierres plus ou moins grosses. Leur formation est liée à l’alternance de gel et de dégel qui « trie » en quelque sorte les différents constituants du sol. Nous observons également de nombreux os de baleines, témoins de la chasse intensive qui se pratiquait autrefois dans cette région.

L’itinéraire choisi par notre guide nous mène sur le sommet d’une petite colline qui nous permet d’avoir un très beau point de vue (nuageux…) sur la baie du Roi. De là on prend vraiment conscience de l’immensité et de l’hostilité de ce désert froid, où seuls les plus aptes survivent.

De retour au camp, le vent n’étant toujours pas tombé, tout le monde se rassemble dans la tente mess pendant que Pierre prépare le repas (tartiflette et bavarois framboise !). Nous entendons alors un bruit de moteur qui se rapproche : deux vedettes de la police sont en train d’accoster sur « notre » plage… Renseignement pris, le problème est le suivant : nous sommes sur une propriété de la Kingsbay (ancienne société d’exploitation minière du secteur de Ny-Alesund, qui possède et gère encore tout le secteur), et son directeur souhaite que nous partions dans les plus brefs délais ! Par chance, Pierre connait la policière, lui explique que le temps nous bloque et celle-ci parvient à obtenir l’accord du directeur de la Kingsbay : nous pouvons rester jusqu’au lendemain.

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Jour 7 – 24 juillet 2010 – Etape 3

Aujourd’hui, journée « glaçons » dans la baie du Roi. Après un petit déjeuner copieux (comme tous les jours), nous démontons le camp, chargeons les kayaks et partons vers le glacier Kongsbreen, au fond de la baie du Roi. Le temps est gris, mais dans ces conditions le bleu des glaçons et du front du glacier ressort beaucoup plus.

Nous tournons tranquillement autour d’immenses glaçons en admirant toutes les nuances de forme et de couleur que peut prendre la glace. Certains sont blanc pur, d’autres bleu ciel, d’autres encore bleu profond. Les formes sont plus étonnantes les unes que les autres. Le glacier gronde de temps à autre au fond de la baie.

Nous retournons ensuite le long de la côte de la Blomstrandhalvøya (l’île au centre de la baie du Roi, où était situé le dernier campement) et suivons la rive sud jusque Ny-London. Cette petite crique, située juste en face de Ny Ålesund, est connue comme le lieu d’une tentative d’exploitation de marbre par une compagnie anglaise (la Northern Exploration Compagny), au début du XXème siècle. L’exploitation n’a cependant jamais atteint un niveau commercialement intéressant et a cessé en 1920. Le site a été abandonné en 1933. Les maisons particulières qui s’y trouvaient ont été déplacée à Ny-Ålesund dans les années 50 et s’y trouvent toujours.

C’est à partir de ce point que nous traversons la baie pour atteindre Ny-Ålesund, où nous débarquons une heure plus tard… à côté d’un étrange radeau pirate ! Le temps d’enfiler des vêtements « civils », nous partons à la découverte de la ville.

Ny-Ålesund est l’une des communautés humaines permanentes les plus au nord au monde. L’exploitation du charbon à partir de 1917 a été à l’origine de sa création . Elle s’est poursuivie jusque 1963, date à laquelle la décision d’abandon a été prise suite à plusieurs accidents (coups de grisou) et à la chute du marché du charbon. Depuis, la ville est devenue un des plus importants centres de recherches sur le milieu arctique et de nombreuses nations y sont représentées. Ny-Ålesund est aussi connue comme le point de départ des expéditions de Roald Amundsen et d’Umberto Nobile vers le pôle nord en 1925, 1926 et 1928.

Les bâtiments en bois coloré sont concentrés sur une surface relativement réduite, mais la quantité d’installations d’appareils de mesures est impressionnante, c’est un véritable laboratoire à ciel ouvert. Le centre d’information (installé dans l’ancien magasin datant de 1921) présente la faune et la flore du Spitzberg et les travaux de recherche menés sur place. Au loin, nous apercevons l’immense parabole située près de l’aéroport.

De retour au port, nous reprenons les kayaks et établissons le camp un peu plus loin, juste avant la « Brandalpynten ».

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Jour 6 – 23 juillet 2010 – Etape 2

Au réveil, nous découvrons la présence d’un gros bateau de croisière non loin de notre camp. Ce n’est pas vraiment une surprise, puisque ce genre de tourisme est assez répandu au Svalbard et le glacier du 14 juillet est un « spot » intéressant. 5, 6, puis 7 zodiacs sont mis à l’eau et partent vers le glacier… en ralentissant en arrivant à notre hauteur. Je pense que nous avons également fait partie des éléments de l’attraction pour ces personnes, au même titre que le glacier ou la colonie d’oiseaux !

Bref, après avoir démonté le camp, nous repartons avec pour objectif du jour la baie du Roi (Kongsfjorden). Comme hier il fait gris, mais cette fois la mer est plus agitée, avec une houle conséquente et des creux d’1m50 ! Je découvre qu’on peut avoir le mal de mer sur un kayak, et bien sûr mes médicaments sont au fond de mon sac étanche, lui-même au fond du kayak… Heureusement nous avançons bien (même si mes coups de pagaie ne servent pas à grand chose…) et finissons par entrer dans la baie du Roi. La houle devient plus supportable et je peux enfin m’intéresser au paysage, d’autant que le ciel se dégage.

Nous faisons régulièrement des pauses « casse-croûte », avec saucisson et taboulé, sans descendre des kayaks bien sûr ! Le début de l’étape a été éprouvant, mais les glaciers que nous apercevons au fond de la baie et le soleil qui arrive remotivent tout le monde. On scrute la berge à la recherche d’un éventuel « Ursus maritimus » (l’ours polaire), mais rien.

Nous arrivons bientôt près de la rive nord de l’île « Blomstrandhalvøya » et au pied du glacier « Blomstrandbreen ». La quantité de glaçons générée par le glacier est énorme, il y en a partout ! Pierre nous raconte que dans les années 80, le glacier arrivait jusqu’à l’île et on ne pouvait pas faire le tour de celle-ci. Ce n’est plus du tout le cas maintenant. Nous slalomons entre des glaçons aux formes toutes plus étonnantes les unes que les autres, sous un soleil radieux, c’est vraiment superbe.

Nous contournons ensuite l’île et nous débarquons sur la pointe est de celle-ci. Le troisième campement est monté au pied d’une moraine, et depuis le sommet de celle-ci nous avons une vue panoramique sur 9 glaciers de la baie du Roi, à couper le souffle ! C’est assurément le plus beau panorama depuis que nous sommes partis.

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